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Ortho.F.I.P. 16
6 décembre 2012

Article de la "Charente Libre", le 6 décembre 2012 : Lutte contre l'illettrisme et action "Un bébé - un livre"

Lu dans l'édition du 6 décembre 2012 :

"L'illettrisme, un problème qui se traite dès le berceau

L'illettrisme reste un fléau en Charente comme ailleurs
Des centaines d'adultes sont concernés
Des associations les aident à (ré)apprendre les fondamentaux Exemple à Cognac.
"
Vous n'imaginez pas ce que ça changerait dans ma vie de pouvoir lire les courriers qu'on m'envoie.

Julie Gelin et Laurent Freneau animent cinq séances d'ateliers de lutte contre l'illettrisme par semaine dans les locaux du Chaudron à Cognac. Photo B. C.

Une fois par an, les orthophonistes offrent un livret aux parents afin de les sensibiliser à l\'importance des échanges verbaux avec leur enfant.	Photo Majid Bouzzit

 

A53 ans, elle dit son prénom, mais ne sait pas l'écrire. Ni le lire. Maria (1) en a «marre»de cette situation. Alors il y a deux semaines, elle a poussé pour la première fois les portes de l'atelier illettrisme de l'Association socio-éducative de la région de Cognac (Aserc), une structure qui (ré)apprend les fondamentaux à ceux qui les ont oubliés ou qui ne les ont jamais reçus.

«J'ai envie de pouvoir lire, clame Maria. Des romans, des magazines et puis aussi le courrier qu'on m'envoie. Vous n'imaginez pas ce que ça changerait dans ma vie. Pour moi, c'est vraiment dur aujourd'hui d'être obligée de partager avec d'autres ce qui relève de mon intimité», s'exclame cette femme issue de la communauté des gens du voyage et sédentarisée à Cognac depuis quelques années.

Le cheminement qui l'a conduite dans cette situation est malheureusement classique.«Je ne suis quasiment jamais allée à l'école. On était des voyageurs, on bougeait sans arrêt. Il n'y avait pas le temps pour étudier», regrette-t-elle. «C'est un profil courant pour les situations d'illettrisme, observe Julie Gelin qui anime, avec Laurent Freneau, les cours de l'Aserc à la salle du Chaudron à Cognac. Soit les gens ne sont pas du tout allés à l'école, soit ils l'ont quittée très tôt avec des grosses lacunes.»

 

5,4% des jeunes

de 17 ans illettrés

 

Combien y a-t-il d'illettrés en Charente? Impossible à dire. «Le seul moyen d'obtenir des retours significatifs sur le phénomène, c'est de s'appuyer sur l'enquête information et vie quotidienne de l'Insee, mais ses données ne sont pas détaillées par département», indique Martine Pham-Quoc, directrice de l'Agence régionale de la formation tout au long de la vie. Seules les statistiques élaborées par l'armée lors des journées défense et citoyenneté permettent de se faire une idée précise du phénomène, mais seulement chez les jeunes de 17 ans. Le chiffre reste édifiant: chaque année, autour de 5,4% d'entre eux, c'est-à-dire presque 200, ont de très grosses difficultés en la matière. D'autres indicateurs peuvent être trouvés du côté des six structures qui interviennent sur la problématique en Charente (2): elles accueillent toutes en permanence une quinzaine d'apprenants avec pas mal de mouvements.

«À un moment donné, leur handicap finit par les rattraper, remarque Julie Gelin. Ne serait-ce qu'au travail. Avant, ils utilisaient le système D et ça passait très bien. Mais de plus en plus, on leur demande de laisser des mots ou au moins d'en lire. Et là, ça coince vraiment.»

Parfois, ce sont leurs employeurs qui les envoient dans les ateliers de (ré)apprentissage. «Mais il y en a de moins en moins», note l'association Declics à Angoulême qui estime pourtant que «57% des illettrés travaillent». Dans le bassin de l'Angoumois, ils seraient ainsi pas loin de 6 000. «C'est Pôle emploi qui nous en envoie régulièrement parce que c'est quand même un facteur d'exclusion du monde du travail»,ajoute Julie Gelin.

Maria en sait quelque chose. À chaque fois qu'elle a déposé son CV rédigé par l'un de ses enfants, l'employeur a tiqué. «J'ai toujours l'impression que mon dossier finit tout en dessous de la pile», dit-elle, dépitée. Lorsqu'elle est venue chercher de l'aide à l'Aserc,«elle s'est excusée cent fois». «Comme la plupart des gens, qui ont souvent honte de cette situation alors que le reste de la population, dans sa grande majorité, sait lire et écrire.» Le premier travail des animateurs, c'est de «redonner confiance aux apprenants et d'user de beaucoup de patience». Car il faudra peut-être quatre ans à Maria, au rythme d'une séance de trois heures par semaine, pour savoir lire et un peu écrire. Un véritable parcours du combattant fait de jeux de lettres, de travail phonétique, d'exercices d'écriture, etc. s'offre à elle. «J'en ai déjà mal à la tête», se plaint l'intéressée. Une réaction normale «pour des personnes qui n'ont pas du tout l'habitude de faire travailler leurs yeux sur des écrits», relativise Julie Gelin.

Le principal frein à la progression n'est pas ici. «Le hic, c'est l'assiduité. Beaucoup de personnes se découragent au bout de quelques mois. Elles reviennent nous voir après un ou deux ans, puis reproduisent le phénomène et ainsi de suite.»

 

(1) À sa demande, le prénom a été changé.

 

(2) L'association Declics et l'Irfrep à Angoulême, le centre social et culturel de Haute-Charente à Roumazières, le Cedif à Confolens, Cassiopee à Ruffec et l'Aserc à Cognac.

Ces Charentais qui ne savent ni lire ni écrire

Dans certains cas, l'illettrisme découle de problèmes orthophoniques. «Un bon niveau écrit dépend du bon langage oral, explique Odile Carrière, orthophoniste à Saint-Yrieix et présidente de l'association Ortho FIP. À partir de ce moment-là, tout trouble du langage peut aboutir par effet de dominos à une situation d'illettrisme.»

Idem pour les difficultés de perception auditive qui impliquent une mauvaise compréhension des sons et donc des aberrations orthographiques ou syntaxiques. «Un patient qui n'entend pas le son "cheu" va écrire ceval au lieu de cheval, par exemple.»

Autant de problèmes qui certes se rééduquent, à n'importe quel âge, en plusieurs séances qui ne suffiront toutefois pas à résoudre l'illettrisme.

 

Donner l'habitude

des échanges verbaux

 

«Nous, on traite le trouble qui le favorise. À charge ensuite pour la personne d'entreprendre une démarche d'apprentissage auprès de structures spécialisées.» Les orthophonistes charentais pensent que pour éviter d'en arriver là, il y a une solution assez simple: s'y prendre dès le berceau. Fin novembre, Ortho FIP a reconduit pour la deuxième année l'opération «Un bébé, un livre» à la maternité de l'hôpital d'Angoulême.«L'idée, c'est de favoriser les échanges verbaux entre parents et enfants dès le plus jeune âge afin de limiter sensiblement les risques de troubles du langage, explique Odile Carrière. On remet un petit livre doudou aux mamans pour que les bébés le dévorent littéralement.»

Julie Gelin et Laurent Freneau animent cinq séances d\'ateliers de lutte contre l\'illettrisme par semaine dans les locaux du Chaudron à Cognac. Photo B. C.

Une fois par an, les orthophonistes offrent un livret aux parents afin de les sensibiliser à l'importance des échanges verbaux avec leur enfant. Photo Majid Bouzzit

Cette approche ludique du dialogue puis, plus tard, de la lecture, a déjà fait ses preuves dans des régions comme l'Alsace. En Charente, il est encore trop tôt pour en mesurer les répercussions."

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